Octobre 2023

Interview du Professeur Dominique Bremond-Gignac

Sur les 510 000 enfants ayant une myopie évolutive en France, quelle est la proportion d’enfants bénéficiant de solutions de freination ?

Aujourd’hui probablement nettement moins de 100 000 enfants en France seraient équipés ou traités soit 5 fois moins que ce qui pourrait être réalisé. Il est dommage qu’il n’y ait pas une prise de conscience plus importante car c’est véritablement le handicap visuel de l’enfant qui est en jeu.

Comment expliquer le retard de la France sur ce sujet ?

En France, il est parfois assez difficile de faire passer le message sur des solutions innovantes. En effet la myopie est ressentie pour les enfants comme une simple nécessité d’adapter des verres correcteurs simples sans en connaitre les risques visuels sévères à plus long terme.

A qui les solutions de freination s’adressent-elles ?

Les solutions de freination peuvent être adaptées à tous les enfants et adolescents parfois même aux adultes jeunes. Elles permettent une protection du « capital visuel » de l’enfant.

A partir de quel âge un enfant peut-il bénéficier de ces dispositifs de freination ? Jusqu’à quel âge ?

En premier lieu toutes les précautions préventives environnementales peuvent être appliquées depuis le plus jeune âge. Dès l’âge de 4 ans un dispositif de freination peut être proposé. Ce dispositif n’est proposé que si la myopie est évolutive c’est-à-dire si l’enfant nécessite une augmentation de sa prescription de verres de 0,5D dans l’année. Avant cet âge, si une myopie est évolutive, il est impératif de faire un bilan pour rechercher une maladie qui expliquerait la myopie précoce et évolutive.

Comment choisir la solution la plus adaptée à un enfant myope ?

Il n’y a pas de solution unique pour freiner la myopie. Nous avons à disposition trois types de dispositifs optiques et un collyre. La solution freinatrice doit être choisie en accord avec l’enfant et les parents après explication des différentes possibilités. Ces solutions doivent tenir compte des habitudes de l’enfant et de leur potentielle observance du traitement. Ainsi le traitement optimal est prescrit mais un suivi est essentiel pour évaluer l’efficacité et l’observance de l’enfant.

Les différentes solutions de freination peuvent-t-elles être combinées ?

Dans un premier temps en général un seul type de solution est appliqué. Cependant, si lors du suivi il s’avère que la solution est insuffisante en matière d’efficacité à atteindre alors une solution combinée peut être envisagée. Les verres freinateurs, les lentilles freinatrices et l’orthokératologie peuvent être combinées avec le collyre à l’atropine microdosée.

Comment évaluer l’efficacité de ces solutions de freination ?

L’enfant doit impérativement être suivi régulièrement après prescription du système freinateur optique ou collyre. Pour le suivi il faut évaluer tous les 6 mois l’évolution de la myopie en dioptries et la longueur de l’œil. Ceci permet de juger de l’efficacité et de déterminer si il est nécessaire d’ajuster le traitement. Ceci permet aussi de rassurer les parents sur la faible évolutivité de la myopie.

Quel est le retour de vos patients sur ces solutions de freination (parents et enfants) ?

Dans l’ensemble les parents sont ravis de voir que leurs enfants changent beaucoup moins fréquemment leurs verres correcteurs témoignage de l’efficacité du traitement. Ils sont aussi rassurés de la très bonne tolérance des dispositifs freinateurs. Enfin certains parents eux-mêmes très myopes sont aussi satisfaits de voir que leurs enfants n’évolueront pas comme eux et seront nettement moins myopes.

Quel message aimeriez-vous transmettre aux parents d’enfants myopes qui sont réticents sur ces solutions de freination ?

Pour les parents d’enfants myopes il est important qu’ils prennent conscience que la myopie est une véritable maladie avec des complications visuelles pouvant entrainer un handicap visuel. Nous avons la chance d’avoir des solutions freinatrices simples à appliquer et diverses et il serait dommage de ne pas les utiliser au mieux. Il est important de tout faire pour préserver « le capital visuel » des enfants.